Mal de père

Il n’y a pas d’âge pour faire un orphelin impitoyable. Frédéric Roux le sait lorsqu’il raconte son père à l’agonie, ce beau gosse enfin vieux persuadé jusqu’au bout que ce corps qui tousse trop se réparera comme une de ses bagnoles qu’il a bricolées toute sa vie. Fasciné par ce personnage envahissant, ce râleur à la mauvaise foi lyrique, anar, tyrannique, grande gueule, l’emmerdeur absolu en somme, dont il narre les petites misères et les grandes idées, il réinvente le paternel, entre rage d’un fils relégué et violence d’un écrivain qui tient LE sujet et ne se prive pas de lui tailler le portrait en dévastant les alentours par la puissance comique qu’il développe. Face au champ de bataille qu’a été la vie de cet homme à la poursuite de chimères insaisissables et qui a installé sa famille dans un capharnaüm invraisemblable, il fait le ménage.

Ne jamais empêcher l’émotion d’un fils face à un père dans lequel il reconnaît le pire mais aussi le meilleur de lui-même, c’est le tour de force de ce livre qui n’est jamais aussi drôle que lorsqu’il est pathétique.