Ludivine F.

Conseillé par (Libraire)
25 mai 2021

Monter, voltiger, chuter

L'Ecuyère nous plonge dans l'intimité de Karolina, une adolescente dont le cadre familial ne lui apporte que peu de raisons de se réjouir et dont le corps quelque peu dysfonctionnel lui donne du fil à retordre. Nous sommes à la fin des années 80 en Tchécoslovaquie. Un après-midi, Karolina fugue et va se perdre dans la campagne environnante. Elle tombe sur un centre équestre où s'entraîne Romana, une jeune fille de son âge, handicapée par une jambe plus courte que l'autre. Mais même lorsqu'on est pas bâtie comme un championne, on peut le devenir. Les deux amies s'entraînent dur sur Cecil, un vieux cheval doux et patient. A force d'efforts, de sueur et de persévérance, elles accèdent à des championnats de voltige internationaux. Alors que leur heure de gloire arrive, le mur de Berlin s'effondre, la dictature communiste est renversée, une nouvelle ère s'ouvre. On découvre le Coca-Cola, la publicité, les exigences accrues de rentabilité. Ce qui pouvait ressembler à la liberté n'était peut-être qu'un leurre. Un court récit mélancolique entrecoupé de quelques moments loufoques et un très beau texte sur l'adolescence !

Conseillé par (Libraire)
20 mai 2021

Sur la terre de ses ancêtres se dessine un nouvel avenir

Très joli moment de lecture que ce roman ! L'autrice nous emmène en Tanzanie dans les années 70 où un couple d'archéologues mène des fouilles dans l'espoir de prouver que cette région est le berceau de l'humanité, foyer d'un seul et même peuple-ancêtre du nôtre. Ian, le mari, a quelque peu perdu l'entrain pour son métier, d'autant que les fonds viennent à manquer. Heureusement la rencontre avec un millionnaire et son impulsive épouse pourraient changer la donne. Essie, la femme, avait juré de ne jamais devenir mère pour se consacrer pleinement à ses recherches. Elle sait que la place qu'elle occupe est une chance que beaucoup auraient aimé s'attribuer. Mais voilà que la tribu nomade des Hadzas la supplie de prendre au camp un bébé dont les chances de survie sont très incertaines durant la saison sèche, où ils doivent effectuer un long voyage. Lorsque les pluies reviendront, la tribu sera de retour et reprendra la petite sous son aile. C'est ainsi qu'Essie se lie à Mara, au grand étonnement de son entourage. Cette rencontre la poussera à réfléchir à tous ses choix de vie. Ce récit tout en délicatesse dépeint avec beaucoup de justesse et d'émotions ces moments où nous nous questionnons en profondeur, pour nous rendre compte que nous ne sommes peut-être plus la même personne que par le passé. On y aborde la maternité (qui ne se cantonne pas aux enfants que l'on a portés), l'émancipation, le poids des racines et la capacité à se réinventer. C'est touchant, c'est beau comme tout, on adore !

Les Éditions du Sonneur

Conseillé par (Libraire)
22 avril 2021

Le réel et l'illusion

Voici un court roman dévoré à peine sorti des cartons de nouveautés ! Si le début met du temps à se mettre en place, on fini happé par l'expérience étrange que vit l'héroïne, 41 ans, historienne de l'Art passionnée par les peintre hollandais du XVIIe. Depuis trois ans, suite à un drame familial, la vie de Patricia n'a plus qu'une saveur fade. Son travail à la bibliothèque d'un musée est devenu sa seule source de réconfort. Mais voilà que débarque à l'improviste Mickey, un lointain cousin venu d'Irlande, où sa famille a des racines. 25 ans, extrêmement charismatique, Mickey semble très pressé de faire la connaissance de Patricia. Dès le premier rendez-vous, elle succombe, se sent renaître, brulante d'un feu qu'elle croyait à jamais éteint. Alors Mickey évoque son plan. Un plan qui implique qu'elle quitte les Etats-Unis pendant un court séjour pour aller habiter seule dans un petit cottage rudimentaire en terre d'Irlande. Un plan qui implique un tableau, le préféré de Patricia, Jeune femme au luth. Mais dans toute cette histoire, qu'est-ce qui est bien réel, et où commence l'illusion ? L'autrice parvient à dépeindre avec énormément de justesse un sentiment à mi-chemin entre la mélancolie et la douceur que procure l'impression d'entrer dans une nouvelle phase plus lumineuse de sa vie. Seulement, il arrive que certaines impressions soient trompeuses. Un roman parfait pour qui aime Vermeer, les cottages irlandais et les relations ambigües !!

Christian Bourgois

Conseillé par (Libraire)
21 avril 2021

Jeunes âmes cherchent horizons ouverts

Dans son nouveau roman, Tupelo Hassman nous embarque en Californie, et plus particulièrement au village de Rosary, un endroit coupé de toute modernité par la sainte volonté des Frappés, comme les appelle l'héroïne. Helen est en terminale, vit avec son père, facteur et membre d'un énième comité religieux fixant les règles de vie strictes de leur microcosme, et passe son temps à traîner dans une vieille décharge de pneus avec son groupe d'amis. Alors que les adultes estiment que la lecture des psaumes et le camp Bible d'été sont les seules activités qui vaillent pour des adolescents bien éduqués, Helen et les Têtes-de-bite enchaînent les bières, inventent de petits jeux interdits et tentent de vaincre par tous les moyens la morosité ambiante. Par-delà le pont, il y a Sky, la ville pleine de promesses, où les stations de radio parlent librement de sexualité et où l'on peut être qui on veut. Mais pour le moment, Helen est coincée à Rosary avec sa bande... Et le pire, c'est que son père a retrouvé l'amour. En plus des coups et des cuites, ces jeunes âmes folles (et terriblement attachantes) découvriront qu'il existe bien des manières de se sentir vivants et de conquérir sa liberté. Rien n'est impossible (ce qui ne veut pas dire que cela sera facile !). Une lecture touchante ponctuée de très beaux moments de grâce au milieu d'une foule de tourments ! Bienvenue à Rosary.

Aux forges de Vulcain

Conseillé par (Libraire)
6 avril 2021

Se souvenir ou ne pas se souvenir ?

Yetu est une Wajinru, un peuple sous-marin dont les lointaines ancêtres étaient les femmes africaines victimes du commerce des esclaves, jetées par-dessus bord par les blancs et ayant donné naissance à de petits êtres mi-humains mi-poissons. Désormais parfaitement habitués à la vie dans les profondeurs, les Wajinrus insouciants profitent en paix de tous les bienfaits de l'océan. Hormis un individu, l'Historienne, gardienne du passé et des souvenirs de son peuple. En elle existent les esprits de tous les Wajinrus trépassés, et tous les actes affreux dont ils ont été témoins. En acceptant cette mission, Yetu endure mille souffrances, mais préserve le reste de ses semblables de la douleur du souvenir. Jusqu'au moment où elle n'en peut plus et décide de partir. Sa fuite à la surface sera autant une découverte de la liberté qu'une profonde remise en question.

Rivers Solomon, que l'on connaissait déjà pour son remarqué L'Incivilité des Fantômes, nous offre ici une mémorable réflexion sur le poids de l'Histoire et de l'héritage de son peuple. Dans les années 1990, le groupe électro Drexciya imagine le mythe d'un peuple sous-marin descendant d'esclaves noirs, concept que reprend le groupe hip-hop clipping. en 2017 dans un album appelé "The Deep". Reprenant le titre "The Deep" traduit par "Les Abysses" en français, Solomon apporte sa pierre à l'édifice cette fois par le prisme de la littérature et le point de vue d'une héroïne singulière, en conflit entre son devoir et ses désirs.

Que faire de la connaissance de son passé ? Faut-il se rappeler, ou vaut-il mieux oublier ? Jusqu'où ce qu'ont été nos ancêtres doit-il nous définir ? Autant de questionnements pertinents que nous propose ce roman. Rivers Solomon nous plonge dans les océans pour réfléchir sur nos racines. En militante anti-raciste et queer affirmée, elle utilise la littérature pour porter ses convictions et poser les questions justes. A découvrir !