L'oeil de Pâques

Jean Teulé

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    8 avril 2012

    Un crime a eu lieu. Mais avant d’en arriver là, il est bon de connaître les raisons du crime et de partir à rebours du temps pour saisir la logique nécessaire qui a abouti à ce fait. Ne faisons pas les choses à moitié, remontons carrément à la création du monde et à la dérive des continents. C’est plus sûr, rien ne pourra nous échapper si nous reprenons vraiment du début. Mais, attention, ne soyons pas surpris de voir certaines choses se répéter et se répondre. Comme le disent tous les personnages, « cette vie n’est pas la seule et je ricoche. »


    Sur les traces du crime et du criminel, on entend en boucle deux chansons des Beatles, on croise un musicien inséminateur, on s’étonne devant les ptérosauriens, on admire le voile lilas du ciel et on rêve de prendre la mer sur la Santa Maria pour rejoindre l’Angleterre au départ de Calais et de ses falaises de craie. Donc, crime il y a, crime nous est annoncé. Mais faut-il que ce soit un malheur ? « Ce crime, je ne sais pas pourquoi, je le vois comme une chance. Il apportera du plaisir à beaucoup de personnes. » (p. 98)
    Ces personnes, les voici : Pâques dont l’œil rose est si surprenant, Léopold qui désespère de n’avoir pas connu son épouse enfant, Amédée qui reconnaît les tueurs dans les corps qu’il autopsie, Stainer qui a horreur de l’eau et Thomas qui aimerait suivre les traces glorieuses de son père. Lequel est coupable ? Mais lesquels sont victimes ? Ce roman pas vraiment policier parle du lien maternel, de la solitude et de l’amour. Finalement, le crime n’est pas si important et il a surtout réussi à rassembler des êtres dont les routes semblaient devoir ne jamais se rencontrer.
    Les premiers chapitres sont tout simplement géniaux. L’auteur nous propose une cosmogonie incarnée où la Terre est une planète aux traits très humains et où la puissance qui l’a créée est tout à la fois superbe et criminelle. Nous assistons alors au premier méfait, celui qui conditionnera tous les autres. « L’intelligence est née. Bonne chance à tous ! Une simple faille, ouverte par votre geste fauve dans la coquille d’un crâne planétaire, vient de créer l’homme et la procession d’emmerdement qui l’accompagne. » (p. 14)
    Ce roman est court et se lit sans reprendre le souffle. Si vous cherchez un roman policier traditionnel, passez votre chemin. Jean Teulé propose un roman très onirique et poétique. Il tresse habilement les fils qu’il a lancés et la tapisserie est finalement magnifique. Moins en verve que dans d’autres de ses romans, l’auteur propose une langue plus symbolique. Mais impossible de ne pas sentir toute la patte de Teulé entre les lignes : c’est lui, c’est certain. Et ce roman est très réussi.