• Conseillé par
    31 octobre 2011

    Une époque opaque !

    Nous sommes transportés en plein Paris de l’occupation allemande.
    Hermine, dite Mimime est concierge d’un immeuble au 62 rue Montorgueil, près des Halles. Les personnages sont là, dans les appartements, sous la main, à portée de main. Ils vont vivre, survivre, vivoter la drôle de guerre devant nous. Un échantillon représentatif des français de cette époque opaque, comme un microcosme. Les riches, les pauvres, les dégourdis, les engourdis, les courageux, les lâches. C’est l’occasion de nous raconter le marché noir, le rafle du Vel d’Hiv, la collaboration, la spoliation des biens juifs, les résistants de dernière minute, la tonde des femmes.
    On y rencontre furtivement, Jean Gabin qui conduit un char Leclerc à la libération de Paris, Arletty qui fréquente les «uniformes vert-de-gris», Robert Hersant en ignoble militant du Jeune Front pronazi, Hugo Boos qui fabriquait des uniformes allemands...
    Ce premier roman est pétri de bonnes intentions : raconter une majorité spectatrice de la France occupée, préoccupée à surnager à la va-comme-je-te-pousse. C'est une période trouble facile à juger, difficile à jauger.
    "Et c'était un peu ma vie résumée : j'étais concierge et pourtant, par hasard, je me retrouvais au milieu des gens les plus importants de Paris."
    Oui mais voilà : le style de Landrot qui veut copier-coller la gouaille parisienne à travers Mimine sonne comme un mauvais doublage. Les personnages sont trops figurants, trop transparents. Dommage !
    Dans le genre roman historique qui se passe pendant l’occupation, jetez vous sur les livres de Patrick Pécherot : «Les Brouillards de la butte», «Belleville Barcelone» et «Boulevard des branques», tous excellents.


  • Conseillé par
    24 septembre 2011

    Mimine sort de l'école très tôt, de sa campagne nordiste pour venir à Paris. Elle arrive dans cette période trouble et ne comprendra jamais les enjeux, les causes ni les conséquences de ses actes. Ceux qu'elle commet pour elle-même. Ceux qu'elle commet pour aider des copains. Ceux qu'elle commet pour faire plaisir. Elle découvre alors qu'il peut être facile d'entrer dans la belle société de l'époque sans vraiment se compromettre -du moins le pense-t-elle. Tout brille, tout est artifice, mais tout attire : les belles tables, le champagne, les robes, ...

    "Et c'était un peu ma vie résumée : j'étais concierge et pourtant, par hasard, je me retrouvais au milieu des gens les plus importants de Paris." (p.149)

    Le lecteur est dans la loge de Mimine et vit la guerre par ses yeux innocents. Un bon moyen pour se rendre compte du quotidien des Parisiens pendant cette période difficile. Il est assez simple 50, 60 ou 70 ans après de prendre une position manichéenne entre le bien (les bons Français résistants) et le mal (les mauvais Français collaborateurs). Il y en eut certes, mais la plus grande partie de la population fut sans doute moins aisément classable. Il fallait bien penser à s'en sortir, à aider ses proches. Mimine, c'est cela. Elle agit au quotidien, pas toujours légalement, elle chaparde, s'approprie des objets ne lui appartenant pas, mais en d'autres temps et d'autres lieux elle eut fait de même : elle n'a point d'opinion politique, notamment sur les juifs et ne sait d'ailleurs même pas ce qu'est un juif. Loin de moi l'idée de dire que les dénonciations de juifs, les brimades permanentes des gens qui portaient l'étoile étaient excusables, mais je ne suis pas sûr qu'elles furent le sport national. Certains s'y adonnèrent assûrément, d'autres ne cherchaient qu'à vivre ou survivre sans en arriver à ces recours extrêmes et inqualifiables. Dans son rôle de concierge, Mimine croisera les salauds habituels : les miliciens ou ceux qui veulent profiter de l'exode pour acquérir un logement plus grand, ceux qui veulent absolument faire du chiffre, comme ce commissaire qui lui demande de dénoncer les locataires, ceux qui profitent du marché noir pour bâtir une fortune, ..., mais aussi ceux qui ne peuvent se résigner, qui résistent à l'envahisseur. A la fin de la guerre, elle fera aussi connaissance des "naphtalinards", ceux qui, les derniers jours de guerre revêtirent rapidement "les uniformes, comme neufs, [qui] quittaient fissa les armoires" (p.238), les plus enragés à se faire justice eux-mêmes : normal, ils n'étaient pas fatigués, ils s'étaient économisé pendant l'occupation !

    Gérard Landrot construit son roman à partir de détails, d'anecdotes coincés dans la grande Histoire. Beaucoup de noms de gens qui ont su profiter de cette période, "Hugo Boss qui fabriquait tous les vêtementspour l'armée allemande" (p.121), les acteurs et actrices qui n'ont pas cessé de tourner, les gars du Jeune Front, groupuscule pronazi, créé et dirigé par Robert Hersant -dont je viens d'apprendre en faisant une petite recherche sur Internet (et oui, même pour écrire mes billets, je me documente. Trop fort le Yv ! = Tournure de phrase on ne peut plus moderne en vue de me ramener du lectorat jeune et dynamique) qu'il était né dans la ville dans laquelle je vis depuis 15 ans ! Personne ici ne s'en enorgueillit. Heureusement ! "Monsieur Armand dit que ce sont des gars du Jeune Front. [...] A Jules qui s'indigne, il confie que leur chef est un petit voyou qui s'appelle Robert Hersant." (p.130)

    Gérard Landrot écrit dans un langage parlé qui sied à Mimine. Un peu dérangeant au départ pour qui n'aime point ce style -dont je fais partie : l'absence systématique du "ne" de négation en est la marque la plus nette. Finalement, je me suis habitué à l'écriture, et elle s'accorde très bien avec les restes du langage, la gouaille de Mimine, la proximité des Halles de Paris avant Rungis.

    Laissez-vous donc prendre par l'histoire de Mimine, par sa bonne volonté et sa joie de vivre. Gérard Landrot écrit là, la vie d'une jeune femme simple en des temps qui ne eux ne le sont point et qui peuvent briser bien des destins aussi modestes soient-ils. Un roman drôle, touchant, bouleversant qui montre une galerie de personnages pas glorieux, simplement humains, qui cherchent à vivre ou à survivre chacun selon ses convictions, ses goût ou les opportunités plus ou moins bienveillantes.