Ludivine F.

Conseillé par (Libraire)
11 mars 2021

Un peu de douceur dans ce monde de brutes

Mai a 13 ans, ne se sent pas bien au collège et ne veut plus y retourner. Pour lui offrir un peu de répit, ainsi qu'à elle-même, sa mère l'envoie chez sa grand-mère, à la montagne. La vieille dame d'origine anglaise vit au milieu de ses plantes et de ses poules, passe la plupart de son temps au grand air, et apprend rapidement à Mai quelques secrets de sorcière... A son contact, la jeune fille va goûter au plaisir de prendre soin des petites choses, de s'administrer soi-même une discipline que l'on choisit et s'ouvrira avec moins de peur aux questions qui aident à grandir. Un délicieux roman printanier, très tendre, qui explore joliment les relations entre les plus jeunes et les aînés.

Conseillé par (Libraire)
20 février 2021

Une sorcière, une tortue, un tsunami, et toutes les autres choses

Sur les îles Andaman, un jeune couple s'installe dans une ancienne maison coloniale remplie de fantômes que l'épouse, un peu sorcière, arrive à voir. Leur histoire d'amour se déploie entre ciel, terre et eau, au milieu d'un climat capricieux et d'une végétation luxuriante. Ils recueillent une jeune femme, Mary, qui deviendra leur servante. Après la mort de Devi, puis celle de Girija Prasad emporté par un tsunami, c'est elle que l'on suit, devenue une femme d'âge mûr hantée par le fait d'avoir laissé derrière elle un bébé, aujourd'hui devenu un étudiant militant enfermé dans une prison sordide en Birmanie. Elle fait le voyage pour le retrouver accompagnée par un ami dealer de ce fils méconnu, originaire de Katmandou, que l'on suivra ensuite au Tibet. Ainsi, de fil en aiguille et en histoires, d'amour ou de famille, le lecteur voyage sur le continent asiatique aux côtés des personnages, avec toujours comme fil conducteur l'évocation des caprices de la Terre, les tsunamis, les tremblements de terre, les humeurs mystérieuses de l'univers. Malgré quelques petites longueurs (que l'on pardonne à l'autrice car elle signe ici son premier roman), ce texte est une très belle invitation au voyage, certains passages donnant une agréable sensation de dépaysement. Il s'en dégage beaucoup de poésie et de mélancolie douce. Une voix à suivre !

Conseillé par (Libraire)
11 février 2021

Les orphelins magnifiques

"- Je n'ai pas de sympathie pour le diable, mais j'ai de la compassion pour lui. Parce que si ça se trouve, le diable n'a rien demandé. Si ça se trouve, il n'est pas né diable, c'était un bébé rose comme les autres. Peut-être qu'il a perdu ses parents, qu'on l'a envoyé dans un orphelinat, et que c'est là qu'il est devenu le diable."
Il y eut un long silence, à peine chargé du grésillement des ampoules du couloir. [...] La plus grande satisfaction de ma vie, c'est peut-être d'avoir frappé Sénac à travers une porte fermée à double tour, sur un air de samba."

Qui est Joe, le pianiste virtuose qui sillonne les aéroports et les gares de Paris et pourrait remplir des salles de concert s'il ne gâchait pas son talent à jouer dans des lieux de passage ? Sur un air de Beethoven, aujourd'hui, il raconte tout. A 16 ans, la vie l'arrache à son milieu douillet et bourgeois lorsque ses parents et sa sœur disparaissent dans un atterrissage d'avion raté. Joe est alors envoyé aux Confins, un endroit sinistre où la discipline s'apprend à coups de poings, de coups bas, dans la privation, la vengeance et la mesquinerie des adultes. Après les Confins, parait-il, il n'y a rien. Mais Joe ne l'entend pas de cette oreille. Grâce à son talent pour le piano, vestige de sa vie d'avant, il rencontre Rose, une fleur fragile au souffle court, hautaine, superbe. Avec ses amis, des âmes aussi cabossées que la sienne, il rêve sa fuite. Ce récit aussi dur que poignant nous offre un merveilleux moment d'émotions aux côtés de gosses abandonnés par à peu près tout sauf l'espoir d'à nouveau vivre. Et nous montre à quel point l'éducation peut tout changer, créer des diables ou bien des saints.

Christian Bourgois

Conseillé par (Libraire)
29 janvier 2021

Depuis combien de temps travaillez-vous ici ?

Une femme et deux hommes sont embauchés par l'Usine, site tentaculaire ressemblant à une métropole avec ses bureaux, ses commerces, ses zones résidentielles et son pont long de plusieurs kilomètres enjambant un fleuve sans fin. Quand on approche la trentaine, avoir un travail et un salaire, n'est-ce pas la meilleure perspective dont on puisse rêver ? Nos trois protagonistes se voient assigner des tâches absurdes : déchiqueter des feuilles de papier, corriger des textes sans aucun rapport les uns avec les autres, étudier les mousses qui poussent sur le site. Le temps passe. Sur les berges du fleuve, des oiseaux aux allures de cormorans mais entièrement noirs passent leurs jours immobiles à scruter l'Usine et leur population ne cesse de grandir. Engoncés dans leur résignation et leur ennui, les personnages finissent par se rendre compte à quel point ce travail joue sur leur moral et sur leur forme physique... dans tous les sens du terme. Très kafkaïen, distillant doucement une ambiance inquiétante, grotesque, ce récit soulève très bien ce que le travail peut avoir d'emprisonnant lorsqu'il n'a aucun sens. Une réflexion toujours des plus actuelles !

La Croisée

Conseillé par (Libraire)
27 janvier 2021

Les baleines ont un coeur immense

Evie vit sur Winter Island au large de la Californie, un endroit où peuvent survenir de violentes tempêtes qui noient tout et obligent les habitants à se barricader puis à repartir de zéro. Son île est à la fois un monde infini et une cage. Toute sa vie, Evie a connu l'absence déchirante, les sentiments contradictoires, l'amour immense pour des personnes qu'elle hait aussi, en même temps. A commencer par sa mère, créature volage, toujours partie vivre mille vies ailleurs, brisant le cœur de son père, un toxicomane vivant de la vente de drogues, de petits boulots et de la générosité de ses amis. Lui aussi brise des cœurs, maladroitement, car aimer est difficile. S'attacher, s'engager, avoir confiance, parler, dire la vérité, pardonner, tout cela père et fille ont du mal à savoir comment le faire. Ce récit à la première personne nous embarque dans la tête d'Evie, sa passion pour les baleines, ses émotions, ses doutes, sa peur récurrente de l'abandon, son envie d'être aimée tellement fort et pour toujours, de connaître enfin le secret de l'amour. La langue est merveilleusement poétique, ce texte nous donne à la fois le vague à l'âme, l'envie de pleurer et l'envie de sourire. On aimerait pouvoir passer un moment sur un banc face à l'océan avec cette héroïne poignante pour lui parler à cœur ouvert de nos propres incertitudes et de notre propre envie de vivre la vie que l'on rêve, sans toujours y parvenir. Un roman magnifique dont les images nous resteront longtemps en tête !!